Joseph Kabila

Le carnet de Colette Braeckman: Lorsque Joseph Kabila lève la visière

Le meilleur discours, c’est le silence… C’est en ces termes que, voici quelques années, Joseph Kabila déclinait une demande d’interview. Il a prouvé cette semaine que l’on pouvait aussi parler… pour ne rien dire, ou, tout au moins pour ne pas répondre aux vraies questions que se posent tous les Congolais.

Au cours d’un entretien avec la presse, convoqué en dernière minute, écrit collette Brackman, le chef de la majorité présidentielle a cependant levé la visière et laissé entrevoir un personnage nouveau. Fini le « bon garçon » au crâne rasé de près, à la tenue soignée, l’éternel « homme jeune » dont la seule apparition dans les réunions internationales faisait prendre un coup de vieux à tous ses collègues, fini celui dans lequel Louis Michel voyait (il y a belle lurette tout de même…) un « espoir pour le Congo ».

Barbichette blanchie, regard aigu, chevelure abondante et paroles tranchantes : l’agneau d’hier a pris visage de loup et sous les paroles ironiques, derrière le sarcasme, on devine l’acier et la glace, le fusil et la froide détermination écrit Collette brackman.

Joseph Kabila s’en est pris à tous ceux qui osent le contester, ou plutôt contester son maintien au pouvoir et les méthodes utilisées pour y parvenir. La première cible est évidemment la Belgique et la flèche est facile : les assassins de Lumumba ! Voilà qui n’apprend rien à personne et les Belges eux-mêmes, organisant une commission parlementaire, ont tenté de tirer au clair leur responsabilité dans cette tragédie. Même si de nouveaux livres (le Congo s’embrase, par Hugues Wenkin, ou L’ascension de Mobutu, par Ludo de Witte) viennent rappeler que tout n’a pas encore été dit…

Sur les relations tumultueuses avec la Belgique, il y aurait tant de sujets plus récents à évoquer, qu’il s’agisse du long soutien à Mobutu puis de son abandon, du fait que la Belgique a depuis longtemps cédé sa place à d’autres intervenants ou qu’elle a toujours été la caisse de résonance de l’opposition congolaise, quelle qu’elle soit… Sans parler du fait que, par la force des choses et à cause de la multiplicité des échanges, la Belgique demeure le pays le mieux au fait des affaires congolaises…

Quant à la Monusco, là aussi l’attaque est facile : certes, la Mission onusienne a été en deçà des attentes, elle tend à pérenniser sa présence, à bénéficier d’une véritable rente de situation, sans avoir résolu le problème qui avait initialement justifié sa venue c’est-à-dire la présence des FDLR… Il faut cependant rappeler que les Casques bleus et surtout la Brigade africaine ont aidé à neutraliser le M23 et que, (comme l’Eglise catholique d’ailleurs) la Monusco a été obligée de se substituer aux carences de l’Etat. Elle nourrit et transporte les FARDC, transporte des fonctionnaires et des ONG, fait vivre des milliers d’intermédiaires congolais, propriétaires d’immeubles, assistants, chauffeurs etc.. Ce qui est vrai, c’est qu’il s’agît là d’une économie parasite et que lorsque la Monusco quittera le pays elle n’y laissera rien, sauf le souvenir, l’usage de l’anglais et des enfants qui n’auront même pas été reconnus…Mais aujourd’hui on n’ose pas penser aux conséquences d’un départ soudain de la mission onusienne et le président le sait mieux que personne.

La souveraineté, cela se conquiert et Kabila a raison de la revendiquer, mais cela se paie aussi. L’Etat congolais est il capable de se substituer à la Monusco ? En principe oui, mais cela suppose la fin du détournement des richesses et l’affectation des revenus aux vrais défis du pays, la lutte contre la pauvreté, l’emploi des jeunes, les services sociaux…
Quant à l’Eglise catholique, le président aurait été bien inspiré de ne pas l’affronter de face après l’avoir utilisée pour démobiliser l’opinion fin 2016 avant l’accord de la Saint Sylvestre: cette institution qui est tout de même vieille de 2000 ans répond à d’autres critères que ceux de la classe politique, elle a d’autres sources de légitimité, d’autres moyens de mobilisation, dans le pays et sur le plan international. Il faudrait se souvenir du président Bagaza au Burundi : il n’était pas, loin s’en faut, le pire des dirigeants du pays, même du point de vue des Hutus, mais c’est l’affrontement avec l’Eglise catholique qui lui fut fatal. Et Mobutu lui-même dut, à l’époque, tenir compte de Mgr Monsengwo et de la mobilisation autour de la conférence nationale souveraine…Aidé par une classe politique qui n’était pas capable de prendre la relève ou qui refusait le défi (feu Etienne Tshisekedi porte en cela une lourde responsabilité) il choisit de se passer d’un compromis politique, le pays s’enfonça dans le marasme et finalement c’est la solution violente qui l’emporta. On en connaît le prix….
Même les loups peuvent se fatiguer et tomber dans des pièges conclut-elle.

Joël imbole

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