Prof. NGUTE
Antoine Ngute Novato, Professeur de Philosophie politique et sociale, Président de l’Association des professeurs de l’Université de Kisangani (APUKIS)

RDC : Le prof. Antoine Ngute parle de risque d’une perte d’autonomie du nouveau président

Président de l’Association des professeurs de l’Université de Kisangani (APUKIS), il présente cet inconfort du président Felix Tshisekedi à l’aurore de son règne en République Démocratique du Congo. Dans une analyse à l’issue de la prestation de serment du nouveau locataire du Palais de la nation, il indique qu’au-delà de cet inconfort figure les défis de courtiser les partenaires économiques et politiques pour qu’ils reprennent leurs places en RDC, de rassurer les populations qui vivent depuis longtemps dans l’insécurité, notamment de construire des infrastructures pour permettre le décollage économique.

Ci-dessous, l’intégralité de son analyse :

Le discours d’investiture du président Felix Antoine Tshisekedi Tshilombo a le mérite d’avoir un ton réconciliateur : le remerciement de tous ceux qui ont participé à l’avènement de la passation civilisée du pouvoir, la reconnaissance des martyrs de la démocratie, des héros de la république, la reconnaissance de tous les partenaires internationaux et nationaux et surtout ceux en relation tendue avec le pouvoir sortant (UE, UA, CENCO, etc.) montre la volonté du nouveau président de rompre avec l’isolation héritée de son prédécesseur. Ce discours a également un ton rassembleur : l’appel à l’unité nationale au-delà des clivages tribaux, sociaux, politiques marque la volonté de garder l’identité congolaise, héritage légué par le président Mobutu.

Ce discours dévoile aussi ce qu’on peut appeler ébauche du programme ou projet de société du nouveau président : il promet plus de liberté et de justice : la liberté de la presse, la liberté d’expression de manière générale, la libération des prisonniers politiques, d’opinion et assimilés, l’augmentation du nombre des magistrats et amélioration de leurs conditions de travail. Il promet la redynamisation de l’économie par la revalorisation et par la création des industries, des emplois et par conséquent l’amélioration du social du peuple, etc. Bref, un bon et beau discours. Mais, qu’il soit bon ou beau, un discours reste un discours, c’est-à-dire une parole. La question est : le président aura-t-il les moyens de sa politique dans la configuration actuelle ?

Entre la volonté de bien faire et le pouvoir de bien faire

Les bonnes intentions peuvent être exprimées dans un discours comme celui du président Tshisekedi. Quand on sait que les politiques congolais ont beaucoup investi dans la rhétorique et qu’ils ont du mal à traduire leurs discours en acte, on ne peut que souhaiter que cette fois-ci, la volonté de bien faire, exprimée dans le discours du nouveau président congolais, s’accompagne d’un vrai pouvoir de bien faire. Et c’est ici qu’il y a un traquenard: Dans la configuration actuelle, le camp Kabila a la majorité au parlement. On se retrouve donc dans la logique de cohabitation : ceux qui ont la majorité au parlement vont désigner le premier ministre, nommer les membres du gouvernement et faire valider leur programme. Nous risquons de nous retrouver dans la continuité de la gouvernance Kabila (le nouveau président règne, mais ne gouverne pas et n’a pas la possibilité de réaliser ses promesses électorales). La deuxième logique possible est celle de la coalition : le camp Kabila et le camp Tshisekedi peuvent fusionner pour gouverner ensemble. Dans ces conditions les deux camps ne font plus qu’un et partagent les responsabilités et le bilan de leur gestion commune. Conséquence : perte d’autonomie du nouveau président. Tel est l’inconfort du président Tshisekedi à l’aurore de son règne.

On peut ajouter à cet inconfort les défis de courtiser les partenaires économiques et politiques pour qu’ils reprennent leurs places en RDC, de rassurer les populations qui vivent depuis longtemps dans l’insécurité, de construire des infrastructures pour permettre le décollage économique, etc. Le nouveau président de la RDC a du pain sur la planche.

Antoine Ngute Novato

Professeur de Philosophie politique et sociale

Président de l’Association des professeurs de l’Université de Kisangani (APUKIS)

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