Dr. Denis Mukwege et Nadia Murad, tous prix Nobel de paix 2018, ont lancé, mercredi 30 octobre 2019, le Fonds mondial pour les survivantes des violences sexuelles en temps de guerre. L’évènement s’est tenu à New York, à l’occasion du 10ème anniversaire du mandat sur la prévention et la lutte contre les violences basées sur le genre.
Le congolais Dr. Denis Mukwege a précisé que ce fonds ne se substitue pas à la justice car les criminels doivent payer pour leurs actes. Il sera question de permettre aux survivantes des violences sexuelles, en temps de guerre, originaires du monde entier, d’obtenir réparation pour les actes qu’elles ont subis.
Cependant, le fonds devrait être financé par diverses parties prenantes notamment, les gouvernements donateurs ou du secteur privé, avec pour objectif de récolter entre 50 millions et 100 millions de dollars américains d’ici 2022.
Des promesses aux actes
De son côté, Mme Tatiana Mukanire rappelle qu’il y a plus de 20 ans de massacre sur des personnes innocentes en RDC. « Les violences sexuelles ne détruisent pas seulement le corps, les violences sexuelles s’imposent et détruisent tout sur leur passage, avec des conséquences systématiques sur la personne humaine de façon globale. Son état physique, son mental, sa situation économique, et son rôle au sein de sa famille et dans sa communauté », relève-t-elle. Et d’ajouter : « On dit très souvent : « Eduquer une femme, c’est éduquer toute une nation« . Avons-nous également bien compris que détruire une femme, c’est détruire toute une communauté ? »
Une occasion pour elle de soulever les cas de Gisèle et Florence, deux victimes de violence sexuelle, la première à l’âge de 13 à Bunyakiri dans le Sud-Kivu et la deuxième à 15 ans dans le Kasaï central. Deux enfants rejetés par la communauté mais dont le viol a produit des grossesses.
Pour elle, c’est quelques exemples parmi des centaines de milliers d’autres alors que la guerre a fait et continue à faire des ravages sur la santé dans les communautés.
Pourtant depuis 20 ans, il n’a eu que des belles promesses selon lesquelles la guerre sera fini, les victimes seront reconnues et les coupables arrêtés et jugés, les enfants nées de ces violences seront soutenues, les femmes pourront retrouver leur dignité, refaire leur vie. En réalité, ces femmes ne cherchent pas et n’ont pas besoin de pitié mais de la concrétisation de ces promesses. « Elles ont besoin d’être rassurées que ce n’était pas seulement des belles paroles en l’air. Parce que si rien ne se fait, ce sera un coup dur supplémentaire que l’on nous donne », déclare-t-elle.
Seulement, il n’y a pas assez de centres médicaux qui offrent de l’assistance post-viol; les frais de santé restent inabordables pour la majorité de victimes et pour arriver jusqu’à un centre médical, alors qu’il faut souvent marcher pendant des heures à travers des zones très dangereuses.
Cependant, la sécurité physique n’est pas de sécuriser uniquement l’individu, mais la communauté entière. « La sécurité est loin du quotidien de ces milliers de femmes et de filles que je suis venue représenter ici, aujourd’hui. La sécurité n’est pas mon quotidien, non plus », renchérit-elle.
Elle recommande à l’Etat congolais de mettre en place un mécanisme de justice qui soit fonctionnel et efficace afin de mettre fin à l’impunité et de briser ce cycle de violence si néfaste pour toute la société. En plus, l’Etat devrait créer des programmes de prévention tournés vers toute la communauté, les hommes, les femmes, les enfants afin de permettre un changement des mentalités concernant les droits des femmes, pointer du doigt la masculinité toxique et pour éradiquer ce tabou qui met le blâme sur la victime au lieu de le mettre sur les bourreaux. Lesdits programmes pour combattre la stigmatisation doivent avoir lieu dans toutes les institutions. Dans les écoles ainsi qu’auprès des juges, des avocats, de la police et dans les centres médicaux, pour sensibiliser les personnes qui ont les premiers contacts avec les victimes.
Aux Etats membres, elle sollicite de fournir un plus grand accès à des systèmes de réparation efficaces, comme le Fonds Globale pour les Survivantes, qui pourront fournir un véritable soutien et l’accès à des activités génératrices de revenus pour que les survivantes puissent devenir autonomes par des compensations et s’assurer de leur sécurité physique. Ce qui contribuerait à leur guérison et à communauté.
Judith Asina
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