Olivier Sangi, artiste poète
Olivier Sangi, artiste poète

Olivier Sangi : « Lutumba nous a laissé beaucoup de mots d’amour, pour soigner nos maux d’amour »

Ce poète congolais, défenseur de  Mwana Mpwo (jeune fille en langue Tshokwe) vante les mérites de Lutumba Simaro. Au cours d’un entretien à bâton rompu, il souhaite que la poésie de Lutumba soit inclue  dans l’enseignement en vue de pérenniser son œuvre.

Matininfos.NET : Pourquoi Lutumba  Simaro était qualifié poète ?

Olivier Sangi : merci pour la question. Mais je voudrais d’abord vous dire que nous avons écrit en 2015, le texte le plus complet sur Lutumba Simaro avec des penseurs du Congo-Brazzaville et du Congo-Kinshasa sous la direction de Mr. Mfumu. Une sélectionné des penseurs pour écrire tout un ouvrage: « Lutumba Simaro : itinéraire et Univers musical ». Mon article je l’ai titré : « Lutumba Simaro, musicien et poète ». J’aimerais éclairer pourquoi on l’appelait poète parce qu’il y a deux façons de l’être. Dans mon article je disais qu’il est musicien de manière dominante et poète de manière récessive. On disait de lui poète  puisqu’il puisait dans la poésie orale africaine. Il tirait ses paroles des proverbes, comptes et maximes de la tradition africaine en général et bantou en particulier. Il n’était pas poète au sens classique comme nous le sommes, c’est-à-dire est poète celui qui a fait une œuvre de poésie selon les règles littéraire. Il avait sa façon de rendre les images et hyperboles, c’est-à-dire exagérer pour donner une forte impression. Là aussi, je vous assure qu’il y a des grands poètes dans notre pays qu’on on ne connait ni n’en parle. Les poètes et musiciens ont un trait commun. La poésie c’est le pôle  solaire, tandis que la musique c’est le pôle linéaire. Ce sont deux sœurs jumelles. Et ces deux arts sont liés par un rythme mélodieux.

Matininfos.NET : Que faire pour pérenniser les œuvres de Lutumba?

Olivier Sangi : c’est une question très importante. Je voudrais répondre de deux manières. La musique c’est déjà bien. Personne ne connait la musique du 5ème siècle avant Jésus-Christ. Mais ce qui a été écrit à cette époque existent encore car l’écriture était inventée en Afrique. Nous devrions prendre la poésie de Lutumba, dans la langue lingala par exemple, arranger les vers en vue de l’inclure dans l’enseignement pour que cela dure longtemps. En ce moment-là, même les enfants qui veulent apprendre « le lingala » comme langue poétique auront de l’inspiration et écriront beaucoup de chef d’œuvres pour aider la communauté à se corriger et aller de l’avant. Vous conviendrez avec moi que Lutumba Simaro tenait beaucoup à la morale. Donc, toutes ces valeurs-là nous devons les mettre sous forme d’écrit. Lorsqu’on va enseigner les textes de Lutumba, les enfants qui les lisent pourront aller de l’avant. La poésie ne se fait pas seulement en français ! Toutes les langues peuvent donner la belle poésie. Moi j’ai une bonne poésie en Tshokwe, ma langue ainsi qu’en Swahili. La richesse de nos langues doit être rendue par un travail poétique.

Matininfos.NET: enseigner la poésie de Lutumba alors qu’il y a ceux qui pensent qu’il faut différencier la musique profane de celle dite chrétienne ?

Olivier Sangi : Si vous voyez la musique dite profane et celle dite chrétienne, c’est littéralement la même chose. Il ne faudra pas que la religion devienne l’opium du peuple. On ne peut plus nous dominer par le canal de la religion. Nous aliéner par ce canal-là, c’est fini ! Aujourd’hui, nous devons libérer notre peuple, et lui donner la possibilité de bien faire le choix de sa vie en puisant dans notre propre culture pour aller de l’avant. Tout ce que Lutumba dit, c’est la morale. Il demande par exemple de respecter les femmes d’autrui. En d’autres termes il dit : ne faites pas à autrui ce que vous ne voulez pas qu’on vous fasse. Aujourd’hui, nous devons chercher par quel billet donner la valeur éthique à notre peuple. Un artiste peut apporter beaucoup dans la conscientisation de notre peuple. Un musicien, qu’il soit chrétien ou profane peut contribuer à la valorisation de la société. Si non, pourquoi ils ont les mêmes sponsors ?

Matininfos.NET : Quels souvenirs gardez-vous de Lutumba ?

Olivier Sangi : De manière général, je lui rends hommage parce que je connu personnellement et côtoyé quelques fois. Les souvenir par rapport à ses œuvres. En analysant ses œuvres, j’essaie de redonner la confiance et l’épaisseur aux gens. Lui-même était peut-être un peu sobre. Je crois que c’est pourquoi sa musique a un petit fond de pessimisme.  Je prie pour que dans l’au-delà, qu’il nous envoie plus d’espoir, et de joie de vivre, nous inspirer des œuvres plus rayonnantes. Un poète triste  n’est qu’un triste poète. Un poète devrait être heureux pour redonner l’espoir à son peuple.

Matininfos.NET : Que doit faire pour atteindre le niveau de Lutumba ?

Olivier Sangi : Lutumba nous invite à la morale et l’éthique dans notre vie. Cela est le plus important. En fait, il nous dit de faire le bien. Par exemple : il nous dit dans Maya, « bolingo », l’amour en lingala, le don le plus précieux que Dieu a donné aux hommes, mais mal utilisé il détruit les hommes. Toutes ces belles images doivent aider à dire que vous les jeunes, devez avoir beaucoup de sérieux et rigueur dans votre manière de gérer l’amour. Ne jouez jamais avec le cœur d’autrui. Si on vous confie l’amour, gardez-le comme un trésor. C’est alors que vous comprendrez qu’il ne faut pas le blesser. En d’autres termes, Lutumba nous a laissé beaucoup de mots d’amour, pour soigner nos maux d’amour. En RDC, nous souffrons parce que les gens sont trop égoïstes. Nous devons corriger cela pour que notre nom entre dans la grandeur de l’histoire.

Propos recueillis par Judith Asina

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