Hopital de Panzi

20 ans de l’Hôpital Panzi : Denis Mukwege réclame justice et trace une ligne rouge contre l’impunité des violences sexuelles

« Nous continuerons à réclamer la justice partout dans le monde pour les victimes en traçant une ligne rouge contre l’impunité. Nous continuerons à nous battre pour le projet de Fonds Mondial de Réparation sur lequel nous travaillons depuis 2010. Il sera officiellement lancé le 31 octobre 2019 ». C’est en ces termes que s’est exprimé Dr. Denis Mukwege, à l’occasion de la célébration des vingt ans d’existence de la Fondation Panzi, le 1er septembre 2019.

20 ans après la première opération des suites d’un viol avec extrême violence en 1999, l’Hôpital de Panzi a traité plus de 55.000 victimes de crimes sexuels. Ce chiffre est en constante augmentation puisque chaque jour entre 5 et 7 femmes y sont reçues pour des cas de violences sexuelles.

Dans les prochaines années, dit le Dr. Mukwege, Prix Nobel de la paix 2018, lui et son équipe vont continuer à concrétiser la vision de rester un centre d’excellence pour le traitement des victimes de violences sexuelles et une prise en charge de qualité des soins de santé maternelle. Cela, tout en élargissant l’héritage, en servant de centre de formation de modèle de traitement médical et global des victimes de ce fléau dans le monde et en le mettant en pratique dans d’autres contextes de conflit.

« Nous ne cesserons jamais de fournir des soins, de partager notre vision d’un monde solidaire et de responsabiliser toutes les survivantes en tant qu’agents du changement passant du statut de victime à celui de leader dans la société », a-t-il rassuré. Et d’ajouter : « nous vous invitons à vous joindre à nous. Nous vous appelons à l’action ! »

Le prix Nobel de la paix 2018 est conscient que la violence sexuelle dans les conflits n’est pas seulement un problème en RDC, raison pour laquelle, la fondation Panzi désire élargir sa vision de la guérison holistique à l’extérieur du pays. Ce, en veillant à ce que les victimes en République Centrafricaine, au Burundi, en Irak et ailleurs puissent avoir accès à cette forme de guérison et reconstruire leurs vies. Ainsi des One Stop Centers proposant le modèle de prise en charge global de Panzi seront-ils mis en œuvre dans les prochains mois.

Entretemps, il remercie avec beaucoup de fierté tous les membres du personnel de l’Hôpital de Panzi et des Fondations Denis Mukwege pour tout le travail abattu avec ardeur et détermination. « Et même si ce mois-ci nous nous remémorons les deux dernières décennies qui furent douloureuses, mais pleines d’espoir, nous nous tournons surtout vers l’avenir », signale-t-il.

Souvenirs douloureuses

Né dans un contexte de conflits, l’Hôpital de Panzi a, dès ses premiers jours, accueilli des victimes de guerre. Parmi elles, des blessés, des déplacés et des femmes victimes de violences sexuelles.

A cet effet, Dr. Mukwege se souvient de ces deux anciennes maisons d’architecture coloniale qui ont été restaurées  pour devenir l’Hôpital de Panzi ainsi que des toutes les premières consultations qui ont eu lieu au mois de septembre 1999.

En effet, le choix pour l’hôpital s’est porté sur la commune de Panzi, au sud de Bukavu. De plus en plus peuplée, cette partie de la ville souffrait d’un manque de services publics. A l’époque, il avait fait remarquer la situation des femmes enceintes dans ce quartier car, en cas de complications, s’il  fallait par exemple recourir à une césarienne, elles devaient rejoindre l’Hôpital Général de Bukavu, qui se trouvait à environ 10 km, à l’autre bout de la ville. Outre la distance, de nombreux autres obstacles liés à la sécurité se dressaient devant elles. Il y avait des barrages à chaque coin de rue ainsi que des soldats nationaux et étrangers qui empêchaient les gens de passer. Plus d’une fois, elles ont succombé à des hémorragies n’ayant pas pu atteindre un centre médical à temps. « J’étais consterné par ce qu’il se passait sous mes yeux », a-t-il remémoré. De ce fait, il a été prévu de se spécialiser dans les soins obstétriques, mais un nouveau phénomène frappait la région, une vague de viols s’accompagnant d’une extrême violence. Ce qui explique le changement des priorités.

S’étant rendu compte que les traitements médicaux n’étaient pas suffisants pour pouvoir se soigner entièrement et que les survivantes avaient besoin d’un accès à des services supplémentaires pour se reconstruire, il a été mis sur pied un modèle de guérison holistique à quatre piliers, associant le traitement médical à un soutien psychosocial, des services de réintégration socioéconomique et un accès au système judiciaire.

Ensemble, ces piliers ont sauvé des vies et réparé des âmes tout en permettant aux survivants de gagner leur indépendance et d’exiger la justice. Un modèle reproduit en dehors de la ville de Bukavu, en ouvrant des «centres à guichets uniques» dans les communautés rurales et en déployant des équipes d’urgence sur le terrain pour faire face aux viols massifs commis dans les villages. Les équipes mobiles de l’hôpital opèrent aussi les fistules vésico-vaginales obstétricales dans d’autres provinces du pays.

Judith Asina

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