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[Marche du 31 décembre] L’IRDH contre l’interdiction aux églises de dénoncer toutes bévues

En RDC, les confessions religieuses ont toujours joué le rôle politique de premier plan, à l’édification de l’État de Droit. L’Institut des Recherches en Droits Humains (IRDH) qui fait cette analyse, indique qu’il en était ainsi contre les exactions de Mobutu, l’invasion rwandaise et maintenant le refus du Président Kabila de quitter le pouvoir, après la fin de son mandat, en décembre 2016.

Ci-dessous l’intégralité de l’analyse :

RDC : laïcité et devoir de dénonciation d’un système politique d’injustice.

  1. INTRODUCTION.

Au nom de la « laïcité », d’aucuns tentent de justifier l’indifférence des églises de réveil de la RDC, face à la répression sanglante des laïcs catholiques, du 31 décembre 2017. De même qu’à l’issue de son Conseil des ministres du 03 janvier 2018, le Gouvernement TSHIBALA a évoqué ce principe, pour condamner les fidèles et la hiérarchie de l’Eglise Catholique. En effet, le Gouvernement qui ne déplore aucunement les morts survenus ce jour, condamne la manifestation, en invoquant le premier alinéa, de l’article premier, de la Constitution qui garantit la laïcité de l’Etat congolais.

De l’avis de l’IRDH, laïcité ne s’oppose pas à la possibilité qu’ont les églises de dénoncer des bévues de la police, ainsi que des astuces politiques qui permettraient au Président Kabila Kabange Joseph et son équipe de se cramponner au pouvoir dont les mandats constitutionnels sont déjà expirés depuis décembre 2016. Ci-dessous, l’argumentaire de ce point de vu.

  1. Quid de la laïcité ?

Le principe de laïcité garantit les droits humains et les protège, notamment au travers de son application dans les systèmes de santé, de l’éducation, de l’encadrement de la jeunesse, de l’observation des élections des dirigeants politiques, de la culture et du loisir. A titre illustratif, l’Etat n’impose pas l’éducation basée sur le Coran, la Bible, le Torah ou toute autre orientation confessionnelle. La laïcité consacre la séparation de l’État et des confessions religieuses. Elle tient donc à l’impartialité des institutions publiques et s’oppose à la reconnaissance d’une religion d’État.

La notion de base de laïcité se trouve dans le premier alinéa du premier article de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme (DUDH) qui stipule que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits…. ». C’est ce qui est rendu à l’article 12 de la Constitution qui dit que « tous les Congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois ».

En ce qui concerne la religion, le premier alinéa du premier article de la Constitution précise que la RDC est un Etat laïc. Par conséquent, toute personne a droit à la liberté de religion (article 18 de la DUDH, repris par l’article 22 de la Constitution). Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.

En pratique, chaque congolais est libre de vénérer Dieu selon la confession religieuse de son choix. Outre la foi de la population autochtone rurale qui croit encore dans les pratiques coutumières non écrites, la religion chrétienne est la plus pratiquée, à travers le Kimbanguisme et les différentes églises occidentales, dont l’Eglise Catholique romaine, l’Eglise protestante luthérienne et les églises dites de réveil d’origine des Etats Unis d’Amérique. L’Islam, d’origine orientale, bien qu’encore limité à l’Est du pays, est autant protégé par la République.

  1. Eglise comme groupe de pression Politique.

La bonne question serait celle de savoir si les églises peuvent administrer une pression politique sur les dirigeants du pays. Mais oui ! Ceci est vécu au cours de l’histoire des peuples des Etats déclarés confessionnels ou laïcs.

En Amérique latine on parle de la théologie de la libération visant à rendre dignité et espoir aux pauvres et aux exclus en les libérant d’intolérables conditions de vie. Enracinée dans l’expérience biblique du peuple juif guidé par Dieu au-delà de la mer Rouge et à travers le désert — d’une terre d’esclavage (Égypte) à la Terre promise (Exode, ch. 12 et suivants) — elle est un « cri » prophétique pour plus de justice et pour un engagement en faveur d’un « Règne de Dieu » commençant déjà sur terre.

Aux Etats-Unis d’Amérique, pour lutter contre la ségrégation raciale, le Pasteur Martin Luther King avait organisé un boycott de la compagnie d’autobus de la ville, coupable de tolérer la ségrégation dans ses véhicules. D’après lui, « toute religion qui n’est pas capable de répondre aux problèmes sociaux, économiques et politiques de la société dans laquelle elle vit, n’a pas de raison d’exister ». Le 28 août 1963, à l’occasion d’une Marche sur Washington, Martin Luther King prononça son célèbre discours devant 250.000 sympathisants : « I have a dream…» («J’ai fait un rêve…»). L’année suivante, le président Johnson signa la loi sur les droits civiques mettant fin à toute forme de discrimination, en présence de Martin Luther King.

En Afrique du Sud, le Prix Nobel de la paix (1984), le Pasteur Desmond Tutu militait pour les droits des noirs de ce pays contre le système raciste de l’Apartheid. Pour lui, « si [un pasteur] est neutre en situation d’injustice, il a choisi le coté de l’oppresseur ». Auteur de théologie Ubuntu de la réconciliation, il fut le Président de la Commission Vérité et Réconciliation, chargée de faire la lumière sur les crimes et les exactions politiques commis, durant la période d’apartheid.

A travers le monde, les confessions religieuses (chrétiennes, musulmanes, judaïques, bouddhistes, indouistes,…) ont une forte influence auprès des institutions politiques nationales et internationales.

  1. participation des confessions religieuses à l’édification de l’Etat de DROIT en RDC

En RDC, les confessions religieuses ont toujours joué le rôle politique de premier plan, à l’édification de l’Etat de Droit. Que ce soit contre les exactions de la dictature de MOBUTU, contre l’invasion rwandaise et maintenant contre le refus du Président Kabila de quitter le pouvoir, après la fin de son mandat, en décembre 2016.

Pour rappel, l’histoire enseigne que les traces des confessions religieuses à la confection des textes constitutionnels se lit par deux phrases emblématiques : Celle du début du préambule, « Nous, Peuple congolais, Uni par le destin et par l’histoire autour de nobles idéaux de liberté, de fraternité, de solidarité, de justice, de paix et de travail »; et celle de la fin du préambule, « […] Conscients de nos responsabilités devant Dieu, la Nation, l’Afrique et le Monde ». Cette participation est vérifiable dans (i) l’Acte Constitutionnel de la Transition du 09 avril 1994, (ii) la Constitution de la Transition du 5 avril 2003, (iii) la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006 telle que modifiée par la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006.

D’ailleurs, aux grandes assises politiques, les confessions religieuses sont toujours présentes. Tel est le cas de la Conférence nationale souveraine (CNS), du Dialogue Inter-Congolais (Lusaka et Pretoria) qui avait conduit à l’Accord de Sun City, du Dialogue du camp de l’Union Africaine (octobre 2016), ou de celui du Centre Interdiocésain de Kinshasa (décembre 2016).

Ces derniers jours, la délégation réunie des confessions se constitue de l’Eglise Catholique (Mgr Ambongo Besungu Fridolin), l’Eglise du Christ au Congo (ECC) (Mgr Marini Bodho Pierre), la Communauté Islamique (Cheikh ALI MWINYI MKUU), l’Eglise Kimbanguiste (Révérend ELEBE Kapalay Delphin), l’Eglise du Réveil du Congo (Bishop Albert Kankienza Mwana Mboo), l’Union des Eglises Indépendantes du Congo (Mgr Nzinga Maluka Simon), l’Armée du Salut (Colonel Lucien Lamartiniere) et l’Eglise Orthodoxe  (Professeur Fumunzanza Gimwanga Théodore).

En bref, eu égard à la laïcité de l’Etat congolais, toutes les confessions religieuses établies en RDC participent aux activités politiques du pays. Seulement, selon des considérations propres à chaque leadership, certains religieux s’abstiennent toujours à dénoncer les maux du pouvoir, tandis que d’autres s’avèrent plus virulents. Par exemple, elles observent toutes les élections, mais certaines ne publient jamais leurs rapports d’observation. Ou encore, face au débordement illégal du mandat du Président Kabila, certaines confessions se taisent, là où d’autres dénoncent.

  1. Conclusion

Au nom du principe de la laïcité, le Gouvernement en place et le Président Kabila Kabange Joseph ne peuvent aucunement prétendre soustraire les églises de la dénonciation des bévues de la police et de la mauvaise foi des animateurs des institutions publiques. Il en est ainsi des pasteurs qui prétendent à une certaine neutralité, face à l’oppression de la population par le pouvoir en place. Tout le monde a le devoir d’exiger des dirigeants congolais, le strict respect de l’autorité de la loi et des droits de l’Homme garantis par le Droit international.

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