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Evadés de Makala : L’IRDH interdit à la population de dénoncer

Ils ne sont pas d’accord avec l’appel de collaboration lancé par la PNC à l’égard de la population à la suite de l’évasion extraordinaire du 17 mai dernier, à la Prison Central de Makala. Les chercheurs du Projet d’Application des Droits Civils et Politique (PAD-CIPO) de l’Institut de Recherche et Droits Humains (IRDH), estiment que le Gouvernement devrait d’abord expliquer  comment les services assignés à la sécurité de cette structure carcérale n’ont pas fonctionné spécialement lors de ces opérations. Dans une analyse que nous publions en intégralité dans les lignes qui suivent, ils jettent toute la faute à l’Autorité compétente, qui devrait dorénavant respecter tous les instruments juridiques ratifiés sur le plan international.  

 

La population devrait refuser de dénoncer les évadés de la prison de Makala

 

Le Gouvernement doit d’abord s’expliquer.

Le 18 mai 2017, les chercheurs du Projet d’Application des Droits Civils et Politique (PAD-CIPO) de l’IRDH ont reçu le communiqué officiel de la Police Nationale Congolaise (PNC), signé par le Commissaire Provincial ville de Kinshasa, le Général Kanyama Célestin, demandant à la population kinoise de dénoncer ou livrer les évadés du Centre Pénitentiaire et de Rééducation de Makala (CPRM). En effet, le matin du 17 mai, plus de 4.600 sur 8.000 prisonniers s’étaient évadés du CPRM, profitant de l’attaque de la prison menée par des personnes présumées être du groupe politico-religieux Bundu Dia Kongo.

PAD-CIPO invite la population de la RDC à s’abstenir d’accéder à cette demande de la PNC, pour les raisons suivantes :

Premièrement, le Gouvernement doit expliquer pourquoi les multiples services de sécurité n’avaient pas fonctionnés cette nuit-là. Les assaillants avaient pris tous leur temps de casser la barrière métallique de l’entrée principale de la prison, les portes des dortoirs des prisonniers, ainsi que les portes de cellules. Ils avaient aussi mis le feu aux bureaux des services pénitentiaires, de la police et des vigiles de la prison. De même qu’ils avaient brulé des véhicules en stationnement dans le parking de la prison et tué des dizaines des policiers de garde.

L’opération décrite ci-dessus aurait durée plus de trois heures, sans que les services de sécurité de la capitale n’interviennent. Cette circonstance a créé l’opportunité de s’évader, rêvée par des milliers de prisonniers détenus dans des mauvaises conditions. Plusieurs sources parlent des milliers d’évadés, cependant que le Ministre de la Justice minimise en prétendant qu’il n’y avait qu’une cinquantaine d’évadés et quelques morts, avant de revenir à l’idée d’une enquête. Il convient de noter que les figures emblématiques, en l’occurrence le bâtonnier Muyambo Kyassa, l’honorable Franck Diongo, l’honorable Diomi Ndongala et maître Firmin Yangambi avaient préféré ne pas recouvrer leurs libertés par cette voie.

Deuxièmement, il y a des raisons de croire que le Gouvernement n’a aucun souci d’isoler des criminels de la société. Il ne peut prétendre vouloir retrouver les évadés de Kinshasa, pendant qu’il refuse de remettre à la justice des criminels plus dangereux, jugés et condamnés pour des crimes internationaux. Tel est le cas de Gédéon Kyungu Mutanga, reconnu coupable et condamné pour des crimes contre l’humanité, par le Tribunal Militaire de Garnison de Kipushi, mais, logé dans une villa de Lubumbashi et nourrit aux frais du Gouvernorat de la Province du Haut-Katanga, au détriment de ses victimes de viols, esclave sexuel, torture, disparition forcée, meurtres, assassinats, cannibalisme et autres actes barbares.

Troisièmement, les évadés n’ont fait que se soustraire des conditions de détention inhumaines et dégradantes, interdites par les lois congolaises et instruments internationaux ratifiés par la RDC (voir la liste ci-dessous). Il y a des raisons de croire qu’une fois retournés en prison, ces personnes subiront pire que les mauvais traitements. Tenez ! Il y avait avant l’évasion :

  1. Près de 8.000 personnes entassées dans un lieu conçu pour 1.500 ;
  2. Une population carcérale constituée à plus de 70 % de prévenus ;
  3. Des dizaines des personnes emprisonnées arbitrairement pour leurs opinions politiques ;
  4. Des personnes placées abusivement en détention préventive et demeurées des mois ou des années en détention ;
  5. Des personnes demeurées en détention pendant que leur mise en liberté a été ordonnée, notamment suite à une mesure d’amnistie ou de grâce ;
  6. Des visites soumises aux paiements des frais illégaux ;
  7. Des mineurs détenus dans les mêmes locaux que les adultes ;
  8. La détention qui ne respecte pas l’hygiène, pas d’alimentation ni soins médicaux ;
  9. Des personnes atteintes des maladies contagieuses vivant aux côtés des personnes saines.

En somme, au  regard de ce qui paraît comme une négligence notoire des services de sécurité, au manque de souci de justice de la part du Gouvernement, ainsi que des graves violations des droits humains garantis aux détenus ; les chercheurs de PAD-CIPO recommandent à :

  1. La population de ne pas collaborer avec la PNC, afin de ne pas cautionner d’autres atteintes aux droits humains ;
  2. Le Gouvernement doit (i) donner des amples explications à la population, sur le disfonctionnement du système de sécurité observé cette nuit-là ; (ii) mettre sur pied un plan d’amélioration des conditions de détention dans tous les lieux carcéraux de la République ; et, (iii) reconquérir la confiance en remettant Gédéon Kyungu Mutanga à la Justice.

Instruments juridiques internationaux et lois congolais organisant les services pénitentiaires.

  1. Déclaration universelle des Droits de l’Homme
  2. Charte africaine des droits de l’homme et des peuples
  3. Pacte international relatif aux droits civils et politique
  4. Ensemble de principe s pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement
  5. Ensemble de Règles minima pour le traitement des détenus
  6. Constitution de la RDC
  7. Code de procédure pénale
  8. Code judiciaire militaire
  9. Ordonnance n°344 du 17 septembre 1965 portant organisation du régime pénitentiaire (RP)
  10. Ordonnance-loi n°78/289 du 3 juillet 1978 relative aux attributions des officiers et agents de police judiciaire
  11. Arrêté d’organisation judiciaire 87-025 du 31 mars 1987 portant comités de gestion des établissements pénitentiaires
  12. Ordonnance n°78/16 du 4 juillet 1978 relative à l’enfance délinquante.

 

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